Le Figuier des Ruines

L’éducation d’un jeune prince oriental, en un moyen-âge lointain, puis la cérémonie de ses noces multiples avec les douze régions de son modeste empire, prélude à de nombreuses dissensions entre clans, à une corruption rampante des officiers de la cité princière, aboutissant à une désastreuse invasion de hordes barbares. Solidement conseillé et secondé par son épouse principale et deux guerriers de talent, le jeune monarque parviendra à redresser son royaume, à reconstruire son gynécée sur des bases saines, à regagner la confiance de son peuple, comme on débarrasse une ville-temple de l’envahissement pernicieux des figuiers des ruines.

Genre Littéraire :
Fiction historique
Éditeur :
Les Éditions du Net
https://www.leseditionsdunet.com

Parution : 2016
ISBN : 978-2-312-04313-5
Format : 15 x 23 cm
Nombre de pages : 280

Version papier : 19 €
Version PDF: 13 €

Extrait (premières pages)

      Quand je levais mes paupières bleuies aux cils scintillants d’or, mon regard embrassait un espace immobile, façonné par le génie d’un peuple et arrêté depuis un siècle pour que s’y établisse une pensée. Comme des orfèvres ciselant une châsse destinée à enclore une perle, les artisans de la première dynastie Thaor avaient œuvré avec un raffinement inégalé. Cet effort en retour exigeait que soit taillé un joyau de grand prix. On me disait le joaillier de cette pierre, le dernier d’une lignée dont l’origine se perdait comme le sommet des montagnes dans la région du Chant d’Ise. J’étais jeune ; je n’avais vu que seize hivers quand certains de mes ancêtres en avaient connu quatre-vingts, mais la jeunesse avait concentré en moi ce qu’ailleurs elle disperse et mon attente prêtait à la vie la saveur d’un fruit qu’on regarde mûrir. J’étais seul. Il me fallait aimer ma solitude. Depuis huit saisons, je délaissais les jeux et les passe-temps futiles comme ceux de faire la chasse aux mouches vertes ou d’épier les servants. Je ne m’ennuyais pas car j’apprenais à mépriser l’ennui, je retenais mon impatience comme un garçon d’attelage retient sous le joug son buffle ; je me sentais puissant sous la contrainte, en m’efforçant de voir que ces lignes, ces masses construites qui dirigeaient ou arrêtaient mes regards, ces agencements de terre cuite, de bois précieux, de pierre, d’étoffes et de tapis choisis et rapportés des douze Régions, s’assemblaient sous mes yeux afin que ma pensée en fit un trône et non une litière. Je me laissais guider par les plans d’ombre et de lumière que découpait la salle aux cent Piliers ; je marchais dans les cours célestes avec l’ivresse de franchir le vide ; j’aimais passer une heure dans les jardins du gynécée à m’attarder sur les caprices de l’existence végétale. Observé à partir des galeries, l’alignement parfait des tours d’angle des quatre enceintes mettait en ordre mes idées fantasques ; leurs triples toits de tuiles vernissées me rappelaient par leurs formes de cloches empilées que les réalités s’étagent dans la vie autour d’un axe immuable et accessible aux sages seulement. Mon œil vagabondait sans tristesse ni passion des terrasses de marbre aux escaliers sculptés, autour des pavillons dont les clartés brutales du soleil soulignaient le dessin ou dans les ombres douces et bleues des vestibules à l’heure du soir, là où veillaient depuis des âges les grands génies de pierre et les gardiens législateurs de la Cité des Princes. Les reliefs des murs étaient toute ma mémoire et j’y puisais la substance des rêves ; par ces images, j’étais lié à mes aïeux autant que par le sang ; je me sentais l’héritier de leurs combats mythiques, le défenseur de leurs richesses. Dans les noces du ciel invariable et de la terre ciselée, j’étais l’esprit et l’embryon de la pensée…