Nouvelles alexandrines - vol. 2 Naufrages

Du naufrage pressenti à la submersion réelle, ces quelques nouvelles ont en commun de redonner à plusieurs mythes connus une once de réalité que les images trop entendues ont coutume de fausser…

Genre Littéraire :
Nouvelles, fictions historiques
Éditeur :
Les Éditions du Net 
https://www.leseditionsdunet.com

Parution : 2014
ISBN : 978-2-312-02251-2
Format : 12 x 19 cm
Nombre de pages : 242

Version papier : 12 €
Version PDF : 8,40 €

Alors s'égrènent au fil des pages :

La tentation de saint Antoine dit combien, à partir d’une hagiographie assez cocasse, un personnage plus attachant et crédible peut se révéler, combien les fameuses « tentations » ne sont pas celles qu’on croit.

Suzanne au bain reprend le thème biblique sans l’édulcorer cette fois, renvoyant chacun à ses atermoiements comme à ses mauvais choix pour que triomphe l’équité, une semblance de vérité.

La vierge aux neuf maris, conte de Boccace extrait du Decameron, contourne les réalités crues pour n’en retenir que les péripéties. L’incroyable catalogue de cette infortunée naufragée de la Méditerranée méritait cet examen au plus près pour devenir enfin édifiant.

Les naufragés de la Marie Galante donne à voir l’improbable rencontre d’une jeune femme de la noblesse espagnole et d’un cacique réputé de l’île d’Haïti, sur une île déserte à l’issue d’un naufrage. Effet de la gestion catastrophique de l’amiral Colomb sur l’empire des Indes, providentiel pour une fois.

Le secret d’Alexandre Selkirk, prélude à l’histoire de Robinson Crusoë, n’entend pas des mêmes oreilles le récit édulcoré de Defoë. C’est que sa « Vendredi » à lui n’a pas l’apparence d’un homme et n’est pas « rhabillée ».

Andromède, enfin, confronte le lecteur à l’insistance d’un mythe dans la tradition picturale classique; nous sommes dans le monde des non-dits, chez le peintre Houston, en ce dix-neuvième siècle finissant.

Extrait (premières pages)

       Saint Athanase, et à sa suite nombre d’hagiographes parmi lesquels le génois Jacques de Varraze, rapportent que saint Antoine naquit au troisième siècle de notre ère, vécut cent cinq ans, et mourut en l’an 340 sous Constantin. Selon ces sources, toutes nourries par les apophtegmes des Pères du désert, il vendit tous ses biens à l’âge de vingt ans, en donna le fruit aux pauvres et entama sa vie érémitique. Assailli par les démons de la fornication, il vit le diable et le défia, fut de nouveau assailli, battu atrocement, laissé pour mort. Le Christ le ressuscita. Voyageant de désert en désert, il fut encore tenté par le diable, déjoua tous ses pièges, passa vingt ans dans une montagne et fit d’innombrables miracles, fut élevé dans les airs par les anges, rencontra une autre fois le diable à la figure duquel il jeta « une masse de crachats » avant de le convaincre d’abdiquer. Il eut alors de grandes visions, prévit les massacres et les persécutions des Ariens, menaça du châtiment divin Ballachius qui ravageait l’Eglise des Chrétiens et faisait fouetter les vierges et les moines tout nus en public. Ballachius s’en moqua mais vit la justice divine fondre sur lui : son cheval le jeta au sol et le dévora. Saint Antoine put achever alors sa longue vie en paix.

       Antoine avait vingt ans lorsqu’il gagna la lisière du désert. Il était jeune et séduisant ; d’origine modeste mais déjà fin lettré, il laissa ses quelques biens à sa famille pour conquérir la solitude ; d’esprit libre, il préféra le hasard des rencontres à l’apprentissage d’un Ancien. Il suivait Dieu et s’ouvrait à la vie.
       Très vite, il fut la proie de regards, de convoitises féminines, de pécheresses en mal d’amour ou bien de repentir. Il s’en amusa, en aima quelques unes ; on jasa de contrée en contrée sur le moine amoureux. Plaisant mais réservé, il sanctifiait la terre et ses bienfaits comme le jardin de Dieu. On le savait facile et indulgent.
       Pour subvenir à ses besoins, il n’était pas rare qu’il prêtât ses services dans les villages qui bordaient le Nil, où, en échange d’aumônes, il exerçait pour quelques jours une fonction de clerc. Un jour, il fut avec véhémence délogé de sa retraite et traîné sur la place publique ; on l’accusa d’avoir abusé d’une vierge et de l’avoir mise enceinte. Confronté à la jeune fille qui soutenait avec une honte visible l’accusation commune, Antoine fut sommé de s’expliquer, reconnut avoir eu avec elle des entretiens intimes – et même d’avoir été tenté – mais se défendit bravement d’avoir forniqué. Hué par la foule, il se vit harceler par des bras innombrables ; on suspendit à son cou des casseroles noircies de suif et des grelots, et on le promena dans les ruelles en l’insultant. Il fut plus d’une fois souffleté, jeté à terre, frappé à coups de pieds ou de genoux entre les jambes ; on menaça de lui couper les testicules…